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L’héritage Man Ray, entre icônes incontestables et tirages douteux

A l’occasion du centenaire de la naissance du surréalisme, en 1924, Plateforme 10, le pôle muséal de Lausanne (Suisse), célèbre l’inventivité de ce mouvement avec plusieurs expositions, dont l’une consacrée à Man Ray (1890-1976), génie de la chambre noire, présentée au musée Photo Elysée. L’auteur est le photographe le plus cher du monde depuis qu’en 2022, son icône Le Violon d’Ingres a été vendue 12,41 millions de dollars par Christie’s à New York.
Sur les murs du musée, les photographies ont des statuts bien différents : on y trouve de rares tirages d’époque (réalisés peu après la prise de vue, les plus prisés), des tirages tardifs (faits à partir du négatif, des années plus tard) et des tirages posthumes.
La présence de ces derniers peut surprendre, car il est rare que dans les musées de photographie, on expose des images imprimées après la mort d’un artiste, considérées par les spécialistes comme des copies. La commissaire de l’exposition, Nathalie Herschdorfer, explique son choix : « La photo, ce n’est pas que des tirages de collection, comme voudrait le faire croire le marché. Ici, c’est un musée, on ne vend rien, on cherche à faire connaître Man Ray au grand public. Exposer des tirages tardifs ou posthumes permet de montrer des icônes inaccessibles autrement, et tout est bien précisé dans les cartels. »
Avec des photographies de toutes époques et qualités, de provenance parfois floue, la collection exposée, qui est aux mains d’un propriétaire anonyme, est bien représentative de la complexité de l’œuvre de Man Ray, dont le nombre de tirages en circulation est impossible à évaluer. « Le but de Man Ray a toujours été de diffuser son œuvre, indique Emmanuelle de l’Ecotais, historienne de l’art qui a consacré sa thèse à l’étude des négatifs de Man Ray. Et il a fait des tirages tardifs, car il n’avait plus les tirages d’époque sous la main. Même le tirage du Violon d’Ingres vendu par Christie’s ne date pas de 1924 comme celui ayant appartenu à André Breton, mais des années 1930. Ce qui ne l’empêche pas d’être magnifique. »
Toute sa vie, Man Ray n’a cessé de faire des tirages, sans les numéroter. Il n’avait pas de raison de le faire, car jusqu’à la fin des années 1970 il n’existait de toute façon pas de marché pour les tirages. Selon un autre spécialiste, Man Ray n’hésitait pas à rajouter un numéro à une série limitée quand il avait besoin d’un tirage supplémentaire, à utiliser des papiers anciens pour imprimer des tirages récents, et à signer son travail des années plus tard. « Man Ray était un joueur, un farceur, dans l’esprit Dada, explique Jonas Tebib, expert indépendant qui fut directeur du département de photographie de Sotheby’s. Il n’avait rien à faire de la sacralisation de son œuvre et de ses tirages. »
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